L’idée du projet d’Horizon Transition, c’est de transporter les idées que nous voyons et de les partager à d’autres personnes et groupes que nous rencontrons. Depuis plus d’un an sur les routes maintenant et toujours dans la réflexion de nos premiers pas, je me rend compte que savoir partager est une connaissance tout aussi vital que les idées en elles-mêmes. Les kilomètres s’ajoutant au compteur, les idées s’accumulent, on se rend dans des lieux où des idées fantastiques sont en place, ou des pratiques avec une légère différence s’opèrent. On note, on compare, on discute, on essaye de comprendre les bons et les mauvais points. Puis, on arrive dans un nouveau lieu et, dans la discussion, on ne peut s’empêcher de parler de ce que l’on a vu, de ce que d’autres font, sur les avantages qu’il y aurait à faire cela.

Sauf que …l’engouement est parfois peut-être un peu trop vif. On perçoit que la perspective d’avoir de nouvelles idées et des manières de faire différentes n’est pas toujours reçue si positivement. C’est jamais dit ouvertement, mais on peut noter que cela ne fait pas briller les yeux. Comment faire pour partager les trouvailles que l’on transporte dans son baluchon ?

Mauvaise question

C’est parfois en se butant à trouver des réponses à de mauvaises questions que l’on s’immobilise dans son élan. Si le moyen n’était pas forcément ce qui bloquait dans le partage-transmission du savoir, mais que le problème serait plus en amont ? Bien que le moyen à sa part de responsabilité ; cependant il serait intéressant de savoir ce qui peut généralement bloquer l’arrivée de nouvelles idées. Essayer de trouver ce qui sera une barrière au partage-réception d’idées, analyser ces situations et voir si ce n’est pas des choses que l’on peut changer personnellement.

Les nouvelles idées ou pratiques ne doivent toutefois pas devenir un totem à glorifier, elles ne sont pas toujours forcément bonnes ou meilleures que les anciennes. Elles me semblent toutefois importantes à prendre en compte afin d’avancer ; qu’on les adopte ou qu’on les rejette, c’est un savoir qui s’accumule collectivement pour faire émerger autre chose. Savoir ce qui peut se faire, a pu se faire, selon les différentes situations est un moyen d’accumuler une expérience indirecte qui peut faire gagner du temps pour ses propres situations. Voir ce qui a pu fonctionner chez certains et rater chez d’autres peut permettre de s’imaginer comment cela serait chez soi, cela permet de ne pas repartir de 0 à chaque fois.

L’habitude : ne pas voir la nécessité de changer

Pour la première raison qui me semble être un frein à accepter de voir de nouvelles idées, je prendrais celle qui est peut-être la plus simple à changer, car elle dépend de soi, mais aussi la plus difficile, car elle est ancrée en soi : la routine. Alors que le monde capitaliste pousse au changement, à prendre un risque afin de faire fructifier les profits, c’est continuer les choses qui fonctionnent qui sont de mise dans le milieu communautaire (associatif en France) et militant. Il est risqué d’essayer d’innover, car la fonction sociale qu’à un organisme ne peut se permettre de se mettre à dos ses usagers. Tout comme pour un groupe citoyen militant qui à l’habitude d’une certaine audience de se risquer à la perdre.

S’habituer à cette routine est confortable, mais aussi tout à fait normal quant au regard de la vision collective qu’ont les acteurs sociaux. Il est facile pour un financier de risquer quelque chose, car à titre personnel cela peut lui être très avantageux, mais lorsqu’on a une approche collective, c’est plus compliqué. Toutefois, s’arrêter à cette seule raison serait facile ; c’est aussi peut-être en partie, car on se conforte à cette routine. Il existe plusieurs possibilités ; soit, ce peut être parce que le groupe pense que les gens qu’il touche est suffisant, ou alors que, si d’autres personnes étaient intéressées, elles viendraient aux activités. Il y a aussi cette habitude confortable de notre routine personnelle dans ce que nous faisons pour ne pas chercher à changer, car pour l’instant tout va bien.

L’introspection de ses actions est une démarche nécessaire dans l’autoévaluation personnelle, mais aussi collective. C’est dangereux de se penser au maximum de son objectif et ne plus se poser de questions. Si tout aspect nouveau est comparé à sa pratique sans analyse profonde, on pourrait la rejeter car en considérer comme une pratique similaire, c’est s’empêcher peut-être une bonification de ce nous faisons déjà.

L’argent

Contrairement à la routine, l’argent qu’a un groupe est indépendant de sa volonté. Une nouvelle idée ou pratique peut être freinée par un manque d’argent ou alors par une perte que cela peut causer. Ce serait facile de dire que cela peut justement être l’occasion d’aller chercher un nouveau financement, qu’il pourrait y avoir une nouvelle audience. Le temps que passent les salariés ou volontaires dans les groupes à faire cela est déjà souvent du plein temps.

Mais est-ce que le manque d’argent est un empêchement à imaginer et à réfléchir ? N’est-ce pas une limite que la pensée matérialiste moderne nous impose ? Est-ce que le fait de ne pas pouvoir réaliser une activité est une raison pour ne pas en parler dans un groupe ? Peut-être que débattre de l’idée en faisant fi de l’aspect financier peut en faire émerger une autre qui serait aux moyens du groupe ?

Le temps, l’implication

Un point qui est peut-être le plus décourageant dans le milieu militant et les organismes communautaires, ce qui manque le plus, plus que l’argent : le temps. Tout le monde n’a que 24 h par jour, c’est encore un des derniers bastions où nous sommes tous à égalité. Que ce soit dans les différents endroits où j’ai pu être ou lorsque j’étais moi-même dans un organisme, parler de nouveaux projets fait souvent lever les yeux au ciel quant à leur réalisation, car les interlocuteurs pensent déjà à leur calendrier rempli. Manque de moyens pour avoir des salariés, manque de volontaires pour avoir des militants, l’argent est un facteur et l’implication d’une communauté en est un autre.

Un groupe en place à déjà son agenda prévu souvent en fonction des membres qu’il comporte. Faire des activités supplémentaires est alors une surcharge de travail pour ceux qui voudront les prendre en charge et cela signifie empiéter sur une vie privée.

Les connaissances

Il peut parfois y avoir tout de réunis ; de l’argent qu’il faut, des membres motivés et un désir de changer, mais malheureusement la connaissance bloque la réalisation. C’est peut-être le frein le plus facile à faire sauter ; il faut cependant savoir comment le faire. Présenter des idées qui sont trop techniques peut rebuter les plus motivés si ce n’est pas le champ d’intérêt. Tout comme amener un sujet qui semble hors contexte, mais qu’en allant au bout, cela se rejoint, car des mêmes idées existent sur des sujets différents.

Apprendre à partager

Un autre monde est possible et souhaitable, devons-nous remettre une question pour y arriver ou pas ? Volontairement, pour certains je pose des questions, pour d’autres je parle moins, une idée à développer et surtout à se poser en groupe. Qu’est-ce qui nous limite? Comment voyons-nous notre implication ? Que voulons-nous réaliser ? Le partage des connaissances est une chose importante si l’on veut pouvoir avancer, mais il faut d’abord être prêt à pouvoir les recevoir.


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