Dans le comité de Décroissance à Québec dans lequel je militais on m’avait parlé d’un documentaire « Sacrée Croissance » de Monique Robin (la réalisatrice de « Le monde selon Monsanto »). Dans une des thématiques, il y avait un reportage qui parlait d’une initiative locale dans une Favéla autour de Rio de Janeiro, au Brésil ; une monnaie locale avait été mise en place. Depuis 10 ans maintenant elle tournait dans le quartier et avait permis une relocalisation d’emplois substantielle ainsi qu’améliorer la situation sociale. Déclic.
Puis j’ai commencé à travailler alors à L’Accorderie de Québec et je découvrais le sujet des monnaies sociales. Mon travail m’amenait à être en contact avec de multiples organisations du milieu communautaire, je repensais au documentaire. En fait, pendant un moment c’était comme une obsession, il fallait que j’en parle autour de moi afin de faire connaitre le sujet. Après un certain temps, j’ai décidé d’envoyer une invitation à plusieurs personnes que je connaissais et qui pourraient être intéressées : faisons une première réunion afin de parler d’un projet de monnaie locale. Ainsi de fil en aiguille, après plusieurs mois de rencontres à parler du sujet ; un groupe est né. C’est maintenant un organisme indépendant, animer par plusieurs membres, qui va mettre ce projet en place.
Maintenant sur la route et loin de Québec, Monnaie locale complémentaire Québec est un double sujet pour moi et pour le projet Horizon Transition. C’est une initiative locale d’un projet de transition, mais c’est aussi le témoignage, la raison d’une des missions que nous nous sommes données : partager la parole et l’expérience de chacun dans S/Ces projets. Que ce soit de lancer un projet comme celui-ci ou d’en être acteur et de le développer, on passe par différentes phases. On peut parfois se sentir seul, euphorique, encouragé, ramant dans le vide, mais il ne faut pas laisser tomber. Ce n’est pas par le fait d’une personne qu’un projet de ce genre peut se faire, s’initier oui, mais c’est la force du groupe qui permet sa réalisation. C’est aussi là où le projet Horizon Transition vient prendre son sens, il permettra d’avoir des exemples et témoignages d’ailleurs, afin de mieux construire ici.
Monnaie locale, oui, mais aussi démocratie

Faire un projet de monnaie locale est intéressant pour sa finalité, mais tout autant pour le processus de construction. La possibilité de faire un projet comme celui-ci peut aussi être une occasion donnée pour réinventer la manière de faire habituelle. C’est une chance offerte à tout un chacun de reprendre un rôle dans la prise de décision.
En fait on a voulu inscrire ce projet comme un projet de transition, où les citoyens sont au cœur du mouvement, redonner de la prise de pouvoir à échelle locale, de quartier. L’organisme fonctionne avec un CA pour sa représentation légale, mais aussi un Comité Éthique élu en assemblée générale afin de veiller au bon respect de la charte. Toutefois, l’organisation générale fonctionne principalement par Cercles. Un cercle central se réunit 2 fois par mois pour assurer le suivi des dossiers et plusieurs cercles par thématique gravitent autour de lui pour réaliser le travail. L’accès aux cercles et au travail de l’organisme est ouvert à tous les membres et la prise de décision fonctionnement par consentement.
Outils techniques
Afin de s’assurer le bon fonctionnement d’un groupe, une bonne manière de faire est importante, mais il faut aussi les bons outils. Au vu du nombre de rencontres grandissantes que nous avions et selon les horaires de chacun, il est évident que tous ne pouvaient être présents à chaque réunion. L’intégration de nouvelles personnes était aussi un point important, comment ne pas avoir à répéter sans arrêt ce qui avait été dit.

Des réunions d’informations mensuelles ont été mises en place afin d’intégrer tout nouveau membre au projet. Point de passage obligé qui permet de mettre tout le monde au même niveau d’information. Un moment où toutes les questions que l’on peut avoir sur ce qu’est une monnaie locale ou qu’est-ce qu’y a été fait au cours des derniers mois peut être posé. C’est aussi une réunion qui sert beaucoup d’explication technique. Ce n’est pas dans cette réunion que l’on invente la monnaie locale, mais c’est une initiation au mode de fonctionnement de l’organisme. Cela permet d’arriver à la prochaine réunion en sachant comment fonctionne un peu la gouvernance de l’organisme.
Mais pour bien fonctionner, il faut aussi des outils techniques. Nous avons mis en place des moyens de communication internet accessible à tous et qui reproduise le schéma sociocratique. Framateam, un outil de clavardage collaboratif et des dossiers comme Google drive permettent de travailler ensemble sur des documents même si on n’est pas présent. Un logiciel comme Dolibarr est utilisé pour la gestion des membres.
Projet pilote
La mise en place d’une monnaie locale à Québec n’est pas un doux rêve, mais une réalité future proche. Ça fait 2 ans que le mouvement est lancé, 1 an que l’organisme existe et dans quelques semaines un projet pilote va voir le jour. Le groupe travaille précautionneusement, avant le lancement officiel de la monnaie un test va être réalisé pour voir les améliorations possibles et choses à ne pas faire dès le départ. Des commerçants et organismes sont déjà membres depuis le début du projet et mois après mois leur nombre grandit. C’est donc une prochaine étape à surveiller de près pour voir ce projet se réaliser !
Réflexions personnelles

Un court article sur un projet de transition en cours à Québec, mais un des plus difficiles à écrire pour moi ! Ne plus être dans le projet et laisser aller, c’est aussi un apprentissage ! Monnaie locale complémentaire Québec est en plein processus de réalisation de l’objectif de la création monétaire. J’espère que je n’aurais pas franchi de barrières de ma vision tout en ayant pu un peu expliquer le projet. Il y a toutefois quelques réflexions que j’ai eues au cours du projet ou entendu qui peuvent être des défis pour un projet comme celui, ou tout autre dans la transition.
Ne pas être une source de gentrification.
Un des points que certaines monnaies locales ont oublié à leur début, c’est l’aspect gentrificateur dont elles peuvent être la source. Bien que partant d’idées complètement à l’opposée, ce peut être un effet qu’elles causent. Car la plupart des projets vont proposer d’échanger de la monnaie nationale contre de la monnaie locale afin de créer un fond. C’est une bonne chose, c’est même la meilleure pour débuter, mais si on n’a pas d’argent national on n’aura pas plus de monnaie locale. L’effet gentrificateur qu’une monnaie locale peut avoir est de favoriser des magasins qui correspondent aux valeurs, mais qui peuvent être aussi plus chers et ne pas correspondre à tous les besoins. C’est aussi d’amener une population à consommer dans un quartier pour adhérer aux valeurs de la monnaie, tout en délaissant ceux qui sont historiquement du quartier et qui permettent de toucher une population plus défavorisée. Quelles solutions alors ? Intégrer ces commerces mêmes si n’étant pas dans les valeurs locales de la monnaie ? Favoriser les projets permettant l’inclusion avec le fond créer ? Avoir des organismes communautaires qui peuvent distribuer de la monnaie locale ? Il faut faire attention à ce que l’argent ne soit pas donné comme une paye, auquel cas le gouvernement pourrait bien le soustraire de minimas sociaux…
Adopter le langage : éducation populaire

Une constatation soulevée lors d’un évènement que nous avions fait : il est important de se faire comprendre par tous. Nous organisions des réunions de cocréation afin d’inviter tout le monde à une réunion pour travailler sur un sujet, toute la population. On se retrouve à 30 alors pour la soirée avec différentes tables d’animation pour intégrer tout le monde. Or, il y des gens instruits scolairement parlant et d’autres pas du tout. Il y a des gens de classes sociales aisés et des personnes défavorisées. Il est alors difficile d’utiliser un seul langage pour se faire comprendre. Je suis pourtant un des premiers coupables quand je parle du sujet, j’ai du mal à adapter mon langage. Bien qu’il soit important en tout temps lors de l’explication d’un projet, celui d’une monnaie locale est encore peut-être plus important, car on parle d’argent. Il ne faut pas penser que les gens soient plus bêtes ou sait déjà de quoi on parle, car la finalité c’est de faire comprendre et faire participer les gens aux projets. Alors moi qui étais content d’utiliser le nouveau mot que j’avais appris, thésauriser, je le ferais beaucoup moins souvent. Il faut bien préparer les mots que l’on utilise afin qu’il soit adéquat avec l’auditoire.
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