On commence par un premier kilomètre puis on finit par ne jamais s’arrêter, on prend goût aux changements, à une vie sans obligation si ce n’est de la vivre. L’être humain a évolué en se sédentarisant, mais la société actuelle l’enferme dans ce mode de vie. Afin de les moderniser on a forcé les cultures nomades à se sédentariser, ce mode de vie n’est pas souhaité, il n’y a qu’à voir comment l’on traite les « gens du voyage » en Europe. C’est dans la possession, l’accumulation, la conformité et l’habitation que se forge le statut social.
Paradoxalement à comment notre société a traité les autres cultures nomades, de plus en plus de gens en son sein choisissent ce mode de vie. Certains par rejet de cette société, d’autres pour découvrir le monde, beaucoup pour les deux. Sur les réseaux sociaux s’en devient un sujet à la mode, le mot clé Vanlife est une valeur sûre. Pourtant est-ce un meilleur choix qu’une vie ancrée dans un lieu fixe ?
Les bienfaits du voyage
Les voyages forment le caractère à ce qu’ils disent, à n’en pas douter ils permettent d’apprendre. Devenir nomade module une vision du temps différente ; les activités quotidiennes prennent plus de temps, il n’y a pas l’impératif du quotidien et de ses obligations. On apprend à faire les choses avec plus de simplicité, à vivre avec moins et un peu partout. Là où on s’arrête pour la nuit, c’est notre chez nous. Les ressources naturelles deviennent des trésors que l’on recherche et que l’on réapprend à utiliser ; une rivière devient un réfrigérateur.
Voyager permet de nouvelles rencontres, de découvrir de nouvelles manières de faire, de s’ouvrir l’esprit. Les gens défendant leur territoire sont souvent ceux qui ne connaissent que celui-ci. Voyager c’est apprendre à se débrouiller dans un autre climat, dans un autre type de végétation, on découvre de nouveaux aliments. Afin de faire quelques kilomètres de plus on apprend de nouveaux métiers. Voyager sur du long terme permet de pouvoir prendre le temps, de s’immerger en tant que local dans les lieux où on va. Être touriste et local dans le même temps dans les endroits où on passe, ceux où l’on prend un peu plus de temps.
Une dépendance au système
Le voyageur, n’est pas le nomadisme des cultures nomade. Voulant sortir du système, mais que l’on soit en sac-à-dos ou en camion, notre dépendance est toujours présente. Nous sommes au moins tous dépendant au système alimentaire que produit le capitalisme. On peut parfois s’en sortir en faisant du volontariat ou en allant dans le petit magasin bio du coin, mais quand on arrive dans une nouvelle ville, dur de savoir où aller si ce n’est dans la grande enseigne. En voyageant, il est difficile de produire ce qui est vital à la vie : sa nourriture. En voyageant en camion on a au moins l’avantage de pouvoir transporter sa cuisine et d’avoir des vivres, mais en sac-à-dos, sur le pouce ou en vélo on est vite limité par le poids.
C’est parce que certain sont sédentaires que l’on peut se permettre de voyager. Paradoxe constant, les services que nous utilisons ne sont possibles que parce que tout le monde ne voyage pas. Il n’est pas possible que tous soient sur la route, si on prenait la morale Kantienne ce mode de vie ne fonctionnerait pas.
Dépense énergétique
Les marcheurs et les cyclistes seront en dehors de cette critique, mais ils ne sont pas légion parmi ceux voyageant sur plusieurs années. La mode est au Van et l’avion est toujours beaucoup utilisé. Il serait intéressant de comparer les dépenses énergétiques d’un citadin piéton comparé à celles que nous dépensons en Van. On consomme de l’essence, mais on produit notre électricité et on a nos toilettes sèches. Ceux qui prennent l’avion sont par contre déjà plus dépensiers simplement par son utilisation. Parler de transition, réduction de l’utilisation d’énergies fossiles et dans le même temps être sur la route dans un camion n’est pas toujours facile pour la cohérence d’esprit.
Implication sociale
Être sur la route est une expérience enrichissante individuellement, on en sort grandit et je pense qu’on en sort en meilleur humain. Mais vouloir sortir du système actuel par le voyage n’est-il pas une forme de fuite de la construction d’un autre monde ? La construction collective à une échelle locale d’une communauté ne peut pas se faire avec des gens sur la route. Et il est difficile de s’impliquer localement à distance. On peut s’impliquer dans les endroits où l’on va pour un temps, mais dans une construction collective on nécessite une implication sur du long terme pour la voir émerger.
Voyager autrement
Pour autant un autre monde est souhaitable et je pense qu’il a besoin de plus de voyageurs. Pas de ceux qui iront faire 2 semaines de tourisme à l’autre bout du monde, c’est une hérésie environnementale et qui maintient le système en place. Si on pouvait tous sortir de sa zone de confort, pour un temps du moins, peut-être pourrions nous construire collectivement quelque chose qui soit plus ouvert.
Peut-être qu’au lieu de promouvoir le voyage, peut-être devrions-nous requestionner notre manière de voir la sédentarité. Surtout se rendre compte que derrière cela se cache notre manière de voir le travail et comment le capitalisme nous y force. Travailler moins pour de l’argent, mais plus pour soi et la communauté. Si on avait plus de temps libre irions-nous 2 semaines s’évader loin de notre routine ?
Peut-être que nous pourrions créer du local éphémère, temporel. Et si nous faisions une coopérative possédant des terrains où l’on pourrait s’installer temporairement et qui aurait des valeurs sociales. Sur chacun pourrait se trouver un jardin à cultiver à passer au suivant, les gens viendraient enseigner leur savoir et en recevoir.
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