Lorsque nous avons pris la décision de partir, nous avions décidé que ce serait un voyage de découvertes. Que ce soit des découvertes de projets alternatifs, mais aussi de personnes et de lieux bien sûr. Ayant travaillé à L’Accorderie tous les deux, l’échange de temps ou alors être dans un principe d’échange de services nous tenait à cœur, nous ne souhaitions pas tout simplement être toujours dans une optique de travail. C’est en faisant quelques recherches et à la lecture de quelques articles que nous avons découvert Workaway ; un site qui allait répondre à nos trois objectifs.
Workaway : le principe
En s’inscrivant sur le site de Workaway, vous payez 35 $ pour une personne ou 50 $ pour un couple et cela vous permet d’accéder en tant que « workawayer » à l’ensemble de la liste des hôtes sur le site. Il y en à travers le monde entier. Cela peut aller de la garde d’enfants à New York, s’occuper d’une ferme en permaculture à Mayotte, aider dans un Bed and breakfast en Irlande ou bien dans une écocommunauté au Canada. Nous avons eu aussi un contact avec un hôtel en construction à partir de pièces de vélos, un éco hôtel à Détroit. Les possibilités sont larges, les lieux souvent inédits quand on est un touriste.
Le contrat entre l’hôte et la personne venant aidé est qu’en échange du gîte et du couvert la personne aide,5 h par jours à raison de 5 jours semaine. C’est ce qui est marqué sur le site, c’est une base, mais ce n’est pas toujours comme ça, c’est ensuite un arrangement entre les deux partis. Cela peut être plus une journée et moins l’autre, ou alors plus d’heures simplement ou alors encore des tâches moins prenantes tout au long de la journée. C’est variable et c’est un commun accord entre les deux parties sur ce qui se fera. Un contrat de confiance.
Du côté de l’hôte, ce principe permet à moindres frais d’avoir de l’aide dans la réalisation de son projet ; il faut permettre aux gens d’avoir un espace ou dormir et de la nourrir. Quant à la personne aidante, cela permet d’aider un projet dans ses valeurs, de découvrir de nouvelles manières de faire, mais cela peut aussi être des étapes dans un voyage plus long et d’être l’occasion de faire des arrêts plus longs pour découvrir des régions.
Il y a l’avantage économique, mais dans la philosophie des utilisateurs de Workaway, que ce soit de la part des hôtes ou des workawayers, c’est aussi de faire de nouvelles rencontres et de partager des expériences de vies. Les utilisateurs faisant un premier pas en allant vers cette formule, il y a déjà processus de sélection naturelle qui se fait, ce n’est pas tout le monde qui peut être dans un désir de rencontres, d’avoir des gens plus présents dans leur vie même pour une courte période, de fonctionner en dehors d’un système de rémunération monétaire. En recherchant des hôtes sur le site, il y a beaucoup de choix selon les régions où l’on cherche, on peut choisir le profil des personnes chez qui l’on va. Si cela ne marche pas, il est toujours possible de partir.
Est-ce que l’on parlera alors de « cheap labor » ou pas ? Avoir un travailleur au rabais pour les hôtes ? C’est difficile de se prononcer, cela va dépendre et être à prendre individuellement. C’est aussi beaucoup d’avantages pour la/les personnes venant aider, quand on considère le coût de vie sur place dans certains endroits et les avantages que cela peut représenter. C’est une question que l’on traitera à part, plus tard, avec plus de réflexions et d’expériences, mais c’est quelque chose à garder en tête peut-être pour mettre des limites. Tout comme la question est-ce que le workaway doit être utilisé uniquement pour des projets collectifs ? Est-ce juste de faire pour des projets d’entreprises ou pour répondre à des besoins individuel chez soi ? Ce sont toujours les questions qui se posent également dans les communautés d’échanges de services. Quelles sont les limites ? Ces questions se poseraient-elles vraiment en dehors du système monétaire ? Contraire à un système d’échange, il est possible de vivre de workaway puisqu’on est logé et nourris. C’est une pratique qui vient remettre en tête la question de la valeur travail et de l’importance qu’on veut lui donner. Ce n’est pas tout de suite que l’on aura la réponse, mais garder dans un coin de sa tête ces questions n’est pas une mauvaise chose.
Notre première expérience dans un ranch
C’est mi-juin que nous nous sommes dirigés vers ce qui sera notre premier workaway ensemble avec Audrey. Elle avait déjà fait une première expérience où elle était seule, mais moi arrivant nous avions décidés de nous déplacer. Les parents de la personne chez qui elle était avaient justement besoin de deux personnes pour les aider quelques semaines avant qu’une famille s’installe chez eux pour 6 mois. Il y avait de la préparation au niveau du jardin pour être sûr de pouvoir nourrir l’ensemble des personnes qui allaient habiter là.
C’est ainsi que nous nous sommes dirigé vers la ville de Williams Lake, au milieu de la Colombie-Britannique afin d’aller vers faire notre premier workaway. Au San Jose Cattle, chez Karen et Clint Thompson.
Expérience de Laurent
Commençons par la fin ; avoir eu cette expérience avec Clint et Karen aura été pour nous, selon moi, la meilleure entrée en matière dans le milieu du workaway que nous pouvions avoir. Ils ont depuis quelques années l’habitude de recevoir du monde dans leur ranch et cela se ressent dans la facilité du partage et de la mise en confiance qui s’installe tout de suite.
Un peu d’histoire
Le ranch qu’il possède appartenait avant au père de Karen, il n’en possède que le quart de ce qu’il avait, mais ils possèdent tout de même environ 400 hectares de terrain. Citadins que nous sommes, la possession de telles terres est dur à se rendre compte. L’histoire de l’Europe se fait depuis des centaines d’années, tandis que celle de la conquête du Canada n’a qu’environ 300 ans maximums et encore moins de ce côté-ci du continent. L’appropriation des terres était différente et le climat peu clément pour les premiers colons.
Depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années, Karen et Clint sont les propriétaires du ranch. Avoir un ranch, c’est élever du bétail. Ce que l’on entend par bétail en français, c’est des vaches destiné à la consommation humaine. Lorsqu’on est dans ce ranch, nous ne sommes pas dans l’élevage intensif comme on peut en avoir des images des grosses industries, nous sommes ici dans une production à échelle humaine en respect avec la nature. En fait, même plus que la petite production familiale, les Thomspons pratiquent l’élevage holistique.
Alors qu’ils possédaient environ 300 vaches, il y a 6 ans ils ont fait le choix de les vendre et d’aller à la Ranching for profits school. Ils y ont alors vu une manière de faire différent. Une manière de faire qui amène une autre vision de son terrain et ses bêtes. Ils sont maintenant toujours propriétaires de leurs terres, mais les loues à des ranchers qui y mettent leurs vaches pour la saison. À ce que j’en comprends, l’élevage holistique pourrait s’apparenter à une forme de permaculture, car c’est un élevage qui se fait en harmonie vaches, sol, vie sauvage, ranchers et vie autour. Même les naissances des veaux sont faites pour être prévues pour qu’elles arrivent au moment où la nature est la plus abondante et qu’elle subvienne aux besoins.
La vie au ranch
On m’aurait dit quelques mois plus tôt que j’allais aller sur un ranch, j’aurais ri bien fort en disant que je n’irais pas dans ce genre d’endroit red neck. Et pourtant… j’y suis allé et je m’y suis plu. J’ai pu apprendre beaucoup avec Clint dans son quotidien au ranch. Quand on a l’image d’un ranch, tout du moins pour celle que j’en avais, c’est les grands espaces, ces plaines interminables ou des milliers de vaches broutent serrées les unes aux autres. Ce n’était pas le cas ici. Le ranch se trouve entre la ville de 150 miles et Williams Lake, dans la forêt ; il y a 250 vaches et 50 veaux et elles sont nourris à l’herbe fraîche tous les jours.
Les barrières
Comme le ranch se trouve en grande partie sur la forêt, il y a des réparations à faire, car de vents violents frappent chaque année la région. Il faut aller réparer les barrières qui délimitent le terrain et les différentes zones de pâturages. On fera cela pendant plusieurs jours, réparer des barrières, arpenter le terrain voir si tout est correct, le cas échéant en replantera des poteaux, refaire les barbelés ou tout simplement enlever des arbres tombés. On s’y rendra en quad, en tracteur, en voiture ; on réparera à la main, à la tronçonneuse et on plantera au tracteur ou à la pelleteuse. Incroyable comment le terrain est grand, inimaginable toute les possibilités que l’on peut voir avec un terrain comme celui-ci ; une éco-communauté, des chalets pour faire comme à Kabania, des trails de courses à pied, tout garder en l’état pour s’y promener, un grand jardin et vivre en autarcie, etc. Inimaginable l’argent que cela pourrait prendre et à faire rouler avant de recevoir un peu de retour. Restons réaliste, c’est un ranch et ça le restera, pas toujours facile de ne pas être dans les nuages. Clint saura y faire lors de nos discussions en travaillant 🙂
Les vaches
Tous les deux jours ou parfois chaque jour, il faut aussi aller changer les vaches d’aires de pâturage. Il ne faudrait pas qu’elles viennent à être affamées, mais on ne veut pas non plus qu’elles mangent l’herbe au ras si on veut pouvoir en garder et que cela repousse un peu mieux. Il faut aussi faire attention à ne pas laisser une aire trop grande, sinon les vaches ne mangent que les herbes qui leur plaisent et délaissent le reste, alors qu’il faut que tout soit consommé. Des barrières faites de barbelés sont en place en permanences à certains lieux, mais maintenant ils utilisent aussi des barrières électriques, un simple fil électrifié, les vaches ayant eu une ou deux expériences le reconnaissant, cela ne prend pas plus. Cela permet aussi au gré de changer les barrières et de s’adapter au nombre et au climat selon ce qu’il faut nourrir ou abreuver.
Les vaches sont des drôles d’animaux un peu grégaires. Je ne pensais pas que c’était des animaux qui auraient peur des humains juste en s’approchant. Par contre, quand vient le temps du quad après un certain temps, c’est le signal pour un nouveau pré et de la nourriture fraîche, alors bien que méfiante, on peut être sûr d’attirer leur attention.
Le reste
J’aurais eu le temps d’une journée où il n’y avait pas de barrières ou de vache à bouger à faire deux nids à oiseaux. Retravailler le bois était sympathique et je me suis initié au travail au couteau à bois afin de me servir de deux bûches de bois pour creuser et en faire des nids « naturel ». Au lieu de le construire, je me suis servi de cela.
C’était deux semaines intéressantes que nous avons passées là. Intéressant les discussions sur le principe holistique, les raisons de leur changement, la crise de la vache folle et comment elle a touché les ranchers canadiens. Intéressant de voir comment des clichés peuvent êtres brisés, mais aussi renforcés. Ça m’a donné envie d’avoir des poules, ça permet de faire encore du meilleur compost… 😉
Expérience d’Audrey
Un couple merveilleux qui nous accueillent les bras grands ouverts, un chat, un chien, des poules, des chevaux, des vaches, des prairies à perte de vue, un jardin…
Des souvenirs d’enfant qui remontent à la surface et le cœur d’enfant qui se réveille tous les jours lors de cette deuxième expérience de workaway.
Pendant une quinzaine de jours nous avons donc aidé Karen et Clint dans leur ranch pour différentes tâches. Pendant les premiers jours, j’ai surtout aidé à l’entretien des espaces verts autour de la maison en tondant et du jardin en désherbant.
Des le deuxième jour, Karen m’a proposé d’essayer un des deux ATV, sorte de quad, et nous sommes allés derrière chez eux, proche d’un petit lac ou une famille d’oies s’est installée pour l’été. Drôle de sensation de manœuvrer cet engin à 4 roues motrices mais finalement beaucoup de plaisir, je me sentais comme une enfant qui découvrait un nouveau jeu. Avec prudence, je l’ai essayé pour un petit quart d’heure.
Quelques jours après, j’ai aidé Laurent et Clint a enlevé des barrières électriques pour que les vaches aient un nouvel espace vert à brouter.
Il a été impressionnant de voir l’empressement des vaches d’avoir accès au nouvel emplacement. Pause, le chien qui est venu avec nous ce jour là, est resté bien sage assis sur le ATV attendant l’ordre de Clint de bouger et d’aller voir s’il ne restait pas des vaches dans l’ancien emplacement.
Au bout d’une semaine, Clint nous a délégué d’aller enlever quelques barrières et bouger le gros abreuvoir avec le sel grace à l’ATV. Nous nous sommes partagés la conduite de l’ATV et nous avons conduit donc les vaches à un nouvel emplacement grâce au changement de place de l’abreuvoir. C’est impressionnant de voir une centaine de vaches te suivre.
Pendant ces deux semaines, j’ai pris plaisir à aller voir les poules, récupérer leurs œufs et nettoyer leur espace de ponte de temps en temps ; les chevaux pour leur donner un poignée d’avoine, les brosser et leur faire un calin. Tout cela sous une belle température avec la compagnie d’une sorte de petite marmotte qui hiberne et qui émet un tout petit bruit aigu à longueur de journée! Ce n’est pas du tout désagréable et plutôt marrant!
Tous les soirs, je jouais le répertoire Klezmer à l’accordéon pendant que Karen préparait le repas. Elle adorait! Il est aussi arrivé de jouer du piano dans leur beau salon et j’ai retrouvé dans le sous-sol un orgue électronique comme quand j’étais enfant. Je me suis donc amusée aussi un soir à jouer l’orgue électronique et retrouver des mélodies apprises enfant pendant que nos hôtes et Laurent prenaient un verre de bière!
Avec la machine à coudre de Karen, je me suis amusée à recréer une grosse pochette en toile de jute pour un rangement dans l’escargot, préparer quelques bouts de tissus pour faire des chouchous et surtout appris à partir d’un patron à réaliser une petite robe pour la petite fille de Karen grâce à l’aide de Karen.
Tel un esprit de famille, nous avons beaucoup apprécié passer ces beaux moments avec Clint et Karen, entre apprentissage, détente, discussion avec toujours une bonne humeur et une ambiance des plus chaleureuses!
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