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tree plantingLa Colombie-Britannique, province la plus à l’ouest du Canada, est la terre des montagnes Rocheuses et des forêts à perte de vue. Une grande partie de son économie est basée sur l’industrie forestière ; bois de construction, papiers, etc. Tout ce qui peut être fait à partir de bois a surement été fait ici. Ici, c’est l’entretien de la nature, mais aussi les coupes à blanc dévastatrices. Notre mode de consommation demande énormément de ressources premières comme le bois, peu importe les capacités, alors, on coupe beaucoup, trop, toujours plus, jusqu’à avoir des terrains vierges. Dans les plus vieux terrains que j’ai pu voir, ce n’est qu’à partir des années 70 que l’on a commencé à planter des arbres pour reboiser, mais aussi pour répondre aux besoins de l’industrie.

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Un terrain à planter

Lorsqu’on a commencé notre projet d’Horizon Transition, j’avais fait le choix de quitter mon travail et de passer mon temps sur l’aménagement du camion. Nous avions comme objectif d’être en Colombie-Britannique pour le milieu du printemps et l’été, afin que je puisse faire une saison de Tree planting. Eldorado pour beaucoup, la saison de 2 à 4 mois d’un Planter peut lui permettre de gagner entre 10 000 et 20 000 $. Sur les 3 mois prévus au départ, je n’en aurais fait qu’un. Un métier difficile et peu connu pour la majorité de la population, je vais essayer de relater cette première expérience dans une des branches de la foresterie. Les frustrations et les colères, les difficultés et les détentes, la réalité et beaucoup d’analyse subjective sur ce mois passé à planter des arbres.

 

Tree planting ?

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Le deuxième camp où j’étais

C’est un travail saisonnier qui se fait un peu partout dans le monde, mais il est particulièrement payant ici au Canada, malgré des salaires peu rehaussés depuis 20 ans. C’est un travail qui est payé à la tâche, un travailleur reçoit entre 10 à 20 cents par arbre planté, la majorité étant de 12 cents. En Colombie-Britannique, c’est la difficulté du terrain qui va jouer sur la valeur de l’arbre planté, un sol de cailloux, plus difficile, sera plus rémunéré à l’arbre. Au Québec par exemple, différentes tailles d’arbres sont plantées et c’est aussi cela qui influence le prix.

La journée de Tree planting est longue et ardue, dans le pays des ours et des moustiques. Les sections de travail sont la plupart du temps assez profonde en forêt, cela va dépendre des besoins de l’industrie, mais aussi surtout en fonction des coupes passées. C’est pour cela que lorsque l’on fait une saison, on dort dans un camp, le camp de base. Le Tree planting est un univers à part, car pour une saison entière, les personnes allant faire ce travail se dédicacent complètement à cette activité, que ce soit du planteur au chef de camp. Travailler dur sans aucune autre activité, mais pour un temps court sur l’année.

Journée de travail

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Préparation du repas du midi

C’est à 6 h que la journée commence, service du petit-déjeuner et préparation de la boite à lunch individuel, puis départ à 6 h 30 en direction du bloc de travail. Le lieu de travail peut très bien être à quelques kilomètres, mais aussi à plusieurs heures, cela influence beaucoup la journée, car ces heures de trajet ne sont pas payées. Une fois arrivé à destination, chaque de membre de l’équipe va sur sa pièce (section individuelle) et commence son travail, une fois celle-ci plantée selon le quota d’arbres on passe à la suivante et cela jusqu’à la fin de la journée vers 17 h 30. Une journée de travail effectif peut alors très bien variée entre 6 à 10 h de travail.

Parfois, juste le trajet pour se rendre au bloc de travail peut être une aventure en soi, le terrain peut être une bonne piste de tout terrain, cela permet aussi de voir des paysages magnifiques ou tout simplement de croiser ours ou cerf à profusion. Certaines compagnies, plus spécialisées ou avec des planteurs plus expérimentés ont même des terrains uniquement accessible en hélicoptère ; vous avez tout votre stock qui est largué avec vous le matin et on revient vous chercher le soir. En tout cas, une chose est sûre, il ne semble pas y avoir de limite si l’argent du contrat vaut le coût.

Le camp de planting

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Camp de planting

Chaque planteur est membre d’une équipe allant de 5 à 15 membres. La personne dirigeant l’équipe est le foreman, sa paye est un pourcentage de l’activité de chacun des ses planteurs. Durant la journée, le travail du chef d’équipe est d’alimenter les planteurs en arbres afin d’assurer un flux continu dans la journée et de leur assigner des sections de travail. C’est aussi la personne qui pourra être responsable en cas de problème, blessure ou présence d’ours.

En plus des équipes de planteurs, le camp de planting est composé de quelques autres acteurs qui assurent le bon fonctionnement pour la saison. Le rôle le plus important étant bien sûr tenu par les cuisiniers, sans eux, rien ne pourrait se faire avec le ventre vide. Ils assurent le petit-déjeuner, la préparation des aliments afin que chacun prépare son lunch, puis le souper du soir qui est gargantuesque afin de récupérer de l’énergie. Dans le camp où je me trouvais, les régimes de chacun étaient respectés et il y avait tous les soirs un menu végétarien et un autre carnivore, plus quelques plats véganes pour ceux qui en avaient fait la demande.

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Derrière ces portes, la cuisine!

Imaginer l’appétit d’une personne ayant travaillé plus de 8 h continue à un travail aussi physique ! Ne pas se fier au physique de la personne, au moment du repas tout le monde est un ogre 😉

Pour le travail de planting, en plus des équipes de planteurs, il y a aussi des personnes chargées de l’inspection de chaque bloc de travail afin de s’assurer que les arbres soient bien plantés. C’est le travail des Checkers. Les arbres que l’on plantent ne sont pas bien gros, c’est aussi pour cela que l’on peut se promener avec plus de 200 arbres dans ses sacs, mais il faut respecter certaines conditions pour s’assurer de la survie de l’arbre.

Les aspects techniques

Les racines mesurent environ 10 cm, il faut que l’ensemble soit enterré jusqu’à environ 3 centimètres au-dessus, sans que les ailettes (premières branches) de l’arbre ne soient pas dans la terre. Il faut également s’assurer que le trou soit bien refermé et qu’il n’y ait pas de poche d’air sous terre afin que cela ne fasse des poches d’eau. Un point important, il faut que l’arbre soit bien droit et ne pas avoir des racines courbées, il faut que le tout soit bien perpendiculaire au sol. Une des techniques de plantage pour aller plus vite consiste à refermer le trou en donnant un coup de pied sec dans la terre afin de le fermer en se relevant, les secondes sont précieuses, mais cela a le désavantage de facilement faire pencher l’arbre, il faut donc être bien sûr de soi. Si un checker ou son foreman aperçoit des arbres mal plantés, le planteur devra s’assurer de tous les faire de nouveau et vérifier qu’ils soient corrects, et quand un planteur ne plante pas, il n’est pas payé, il faut donc bien faire attention.

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Sac de planting et la pelle

Un dernier point important est de respecter la densité d’arbres. Lorsqu’on arrive sur un nouveau bloc de travail, 2 détails sont spécifiés et à respecter (en plus de planter correctement bien sûr). Le ratio de chaque espèce, car on va souvent planter 2 espèces ou plus d’arbres, mais bien sûr pas à 50 %. Il faut donc s’assurer que l’on plante le pourcentage de chaque espèce comme demandé. Puis le deuxième point est la densité. Il faut avoir le nombre d’arbres plantés dans la densité demandée, ce qui peut aller de 6 à 10. Lorsqu’on travaille, on se promène avec une corde qui mesure 4m que l’on va utiliser pour vérifier son travail de temps en temps pour ne pas avoir à tout refaire. La manière de procéder est simple, on va planter sa pelle près d’un arbre, y installer sa corde et compter le nombre d’arbres qui rentre à l’intérieur du diamètre de la corde. Si le nombre est inférieur, il faudra en rajouter, si on en a trop, il faudra en retirer. C’est important à respecter, car encore une fois, si c’est incorrect, il faudra le corriger et pendant ce temps vous ne plantez pas.

 

Rentrer par contact

tree plantingLe milieu du Tree planting est un monde très ouvert tout en étant très fermé, je m’explique. C’est un travail où l’on rentre le plus souvent par contact, que ce soit par un ami ou une connaissance déjà intégrée dans une équipe. La plupart des compagnies offrant du travail donne la possibilité de postuler en ligne et de se présenter comme nouveau Planteur, mais les places pour les nouveaux sont limités, car la première année est celle d’apprentissage et les chiffres rapportés sont moindres, cela prend du temps à les former. C’est un travail très dur, on ne veut pas compter sur quelqu’un qui nous lâchera en pleine saison. C’est pour tous ces facteurs qu’il est plus simple d’entrer par contact pour la première année, par la suite, les années suivantes, on contact directement son chef d’équipe.

C’est d’ailleurs les compagnies les plus « industrielles » qui prennent en générale des nouveaux, les compagnies plus petites et locales restent avec leur noyau de personnes expérimentées et excluent l’intégration de nouveau.

 

Le travail

tree plantingSi on ne plante pas, on n’est pas payé. Si on plante peu, on est peu payé et le foreman également. La paye à la tâche n’est pas toujours facile, car elle demande toujours un rendement supplémentaire. Au Québec, les planteurs sont syndiqués et vont recevoir un salaire minimum durant les deux premières semaines de travail. Certaines compagnies en Colombie-Britannique vont embaucher des étudiants afin de profiter d’aide gouvernementale et de payer un salaire minimum. En dehors de cela, c’est uniquement le nombre d’arbres plantés qui influence votre revenu. C’est pourquoi au bout d’un certain temps on vous demande un rendement minimum d’environ 1 000 arbres par jour, ce qui n’est pas excessif une fois l’expérience acquise. Ce n’est pas excessif, mais pas forcément toujours aisé. Les facteurs climatiques : pluie, canicule, grêle, froid, tout est possible et changeant dans les montagnes. Les terrains rocailleux, en pente, de sable, de terres brûlées, de forêts, à pic, tout est possible. Faire son travail tout en faisant attention au vent qui souffle sur les arbres morts qui peuvent à tout moment tomber, faire attention aux ours, loups, coyotes, orignaux et autres animaux dangereux.

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À chaque arbre planté, il faut mettre un “tag”, un bout de plastique pour l’identifié… (bleu)

Garder son calme malgré les armées de moustiques qui semblent surgir à chaque coup de pelle, comme si un nid était ouvert à chaque endroit où  l’on voulait planter un arbre. Garder son énergie malgré l’épuisement physique au cours de la journée et au fil des jours qui s’accumulent, garder son énergie malgré les moments plus difficiles et éprouvants. Rester concentrer malgré la tâche répétitive.

En discutant avec des planteurs plus expérimentés, l’astuce est d’avoir un rythme continu, de planter son arbre et de penser au suivant, ainsi de suite, toute la journée, tous les jours. Certains le voient comme un jeu, d’autres comme une forme de méditation, tous le trouvent difficile et éprouvant, mais regarde à l’horizon l’argent qui peut se gagner. C’est un travail physique, mais aussi mental, il faut rester fort pour rester concentré. Il y a parfois des vortex où l’esprit s’égare en travaillant et on se rend compte que cela fait une demi-heure que l’on marche en plantant à un rythme moins soutenu et que l’esprit n’était pas sur le bloc.

Les planteurs

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Le profil de la plupart des travailleurs est jeune, de 18 à 30 ans, la carrière est de quelques années, rares sont ceux qui veulent y passer leur vie. Beaucoup d’étudiants qui profitent de cette aubaine pour accumuler assez d’argent pour l’année d’étude. Mais il y a aussi beaucoup de voyageurs qui profitent de ne travailler que quelques mois et voir le reste du monde le reste de l’année. Puis il y a ceux qui font les différentes saisons en profitant d’avoir des emplois toujours différents. Le texte est au masculin par convention, mais hommes et femmes sont également représentés, la corpulence physique n’est pas un critère de succès.

Selon les camps cela diffère, mais on aligne 4-5 jours de travail pour une journée de repos en général. La dernière journée travaillée est synonyme de fête, demain on pourra dormir. Soirée de relâchement, d’excès, parfois un peu trop. Moment de fête presque religion, moment de rencontres entre les différents travailleurs du camp, l’esprit de groupe encouragé pour garder la motivation des troupes. Un cas de harcèlement sexuel pendant le mois que j’étais là.

 

Ne pas penser

Il est important d’avoir des moments de communion où tout le monde pourra se regrouper et festoyer, de créer des moments pour créer de l’amitié. Le monde du Tree planting est un gros groupe d’amis qui travaille dur et qui a des bons moments ensemble. Mais n’oublions pas que c’est un travail, un monde d’argent et que les montants sont élevés. On parle de millions d’arbres plantés chaque été. La camaraderie est présente entre les planteurs et on recrée un univers de camp de vacances ou la participation de chacun est demandée. Alors qu’on parle d’un travail payé à l’arbre planté, beaucoup de tâches annexes sont présentes. Que ce soit pour le rangement du matériel ou le déplacement, il n’y a aucune compensation.

Il est de coutume également que ce soit les planteurs qui montent et démontent le camp, durant une journée off, cela de manière gratuite. Émettre une critique de cela n’est pas bien vu. Ne serait-il pas normal que la compagnie offre une compensation ou bien paye des gens pour cela ? La moindre économie est importante. Pourtant, quand on voit l’essence utiliser pour les 4 roues, le nombre de camions nécessaire pour les différents déplacements, l’énergie déployée pour remplir un contrat ; le Tree planting ce n’est pas une activité écologique.

C’est important de se laver les mains avant de manger lorsque l’on travaille, car les boites l’indiquent bien en gros : l’usage de pesticides a été utilisé pour faire vivre ces arbres.

Il est dur d’avoir des améliorations dans un univers ou le turn-over est une partie du métier. L’esprit de camaraderie n’est pas poussé jusqu’à la revendication ouvrière. Le statut de travailleur précaire n’est pas remis en cause ni dans les esprits de chacun, car c’est un travail où l’on peut faire beaucoup, si on participe au jeu.

Mon expérience n’a pas duré aussi longtemps que voulu et je n’ai pas réussi les objectifs que je m’étais fixés, car mon rendement n’était pas optimal. À chaque journée de travail je repensais à ces points négatifs sans pouvoir en faire fi, cela en faisait une activité que je n’aimais pas du tout. Le mental n’était pas là. Maintenant quelques semaines a posteriori, je me dis que j’aurais pu essayer de donner un peu plus, mais en même temps je ne peux me défaire de ces points négatifs. Le travail saisonnier a un statut peu enviable, même si offrant des avantages pour une vie différente, comme celle que j’ai choisie, mais jusqu’à quel point. Quelles sont les concessions de groupe que l’on peut faire pour améliorer l’existence individuelle ? Chaque personne connaissant ce travail y vient en se disant que c’est pour une courte période et que cela vaut la peine, mais combien de temps ?

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